Une rentrée sur les chapeaux de roue

J'entre dans la salle des profs, 7h30 tapantes. Ah la rentrée... Un bon mois de course, essentiel pour l'année. La salle des profs est encore vide à cette heure, et j'en profite pour installer le petit déjeuner de la rentrée. C'est tranquille, une fac vide. Dans deux heures, ça aura l'air d'un essaim en folie.

*Je rentre en trombe dans la salle des profs, juste à temps pour ne pas faire effondrer la pile de livres que je portais depuis ma voiture. Une pile avec un équilibre précaire qui se retrouve in extremis sur la table, un peu en fouillis, il faut bien l'avouer...*

- Tiens, salut Lambert! Je pensais que je serais seul à cette heure-là! Tu es tombé de ton lit?

*Il pourrait me poser exactement la même question, c'est très bateau au fond...*

Je me retourne:

-Salut Ethan. Tu tombes bien, tu vas m'aider à faire le café. Foutue machine, je n'arrive jamais à la mettre en route. Je vais investir, cette année. je n'en peux plus de cette cafetière!

Je souris:

-Figure-toi que je me suis réveillé à six heures trente tapantes, horaires bureau! Toi aussi, tu as fait une petite nuit! Envie de reprendre les cours?

Il faut que je vois le doyen de notre université, j'ai cherché son bureau mais personne n'a répondu, c'est possible qu'il ne soit pas encore arrivé mais j'avais besoin de lui parler, ca pourra toujours attendre. Je rejoins donc la salle des profs où personne ne devrait être non plus. A ma plus grande surprise, je tombe sur un des professeurs et le doyen que j'avais rencontré une fois lors du match que nous avions joué l'année dernière face aux Knicks de New York. J'avais profité de mon passage ici pour le rencontrer et donc de commencer à parler de mon éventuel arrivé à NYU.

- Bonjour messieurs. Je suis passé par votre bureau Mr Wilson mais vous n'y étiez déjà plus.

-Salut tout le monde! Vous avez passé de bonnes vacances?

Tiens, un homme que je ne connais pas:

-Bonjour, Ellen Swift.

Je m'approche de la cafetière et enclanche le bouton. Le café commence à couler. Ah, les hommes et la machine à café!

-Bonjour, Monsieur Rivers. Appelez-moi Lambert, je vous en prie. Je vous présente à tous notre coach de basket, Doc Rivers. Vous tombez à pic pour le petit déjeuner.

Je regarde Ellen faire fonctionner la cafetière. C'est la seule à réussir à la faire fonctionner et elle fait ça comme si ça ne posait aucun problème. Hum...

-Vous avez vu le terrain déjà, ou pas du tout?

- Bonjour, Ellen. Comme l'a dit Mr Wilson, je suis le nouvel entraineur de l'équipe, Doc Rivers.

Eh bah, ils sont bien matinaux les profs ici. Si je peux avoir la même chose de mes joueurs ce serait l'idéal, mais je sais moi même à quel point c'est difficile d'être effectif le matin à 7h pour un entrainement.

- Oui, je suis passé à la salle, c'est la première chose que j'ai faite en sortant de l'avion qui me ramenait de Boston. Par contre, je n'ai pas été à la salle de musculation. J'irai plus tard.

-Très bien, très bien! Je vais vous dire la même chose qu'à votre homologue du hockey: vérifiez l'inventaire et faites moi une liste de ce qu'il vous manque. Vous l'aurez à la fin du mois. On a encore pas mal de crédits, nos investisseurs sont généreux. Quand aux séléctions, je vous laisse les organiser comme bon vous semble. Faites moi juste parvenir une liste de noms pour le prochain match, en octobre.

- Je vous communiquerait la liste de nom dès que j'aurais effectué les sélections. Donc en fin de semaine, normalement, j'aurais la liste des 15 joueurs qui représenteront New York University au championnat universitaire de Basket. Et pour ce qui est des équipements, je vous ferai parvenir la liste de ce dont j'ai besoin d'ici à mercredi, si j'ai besoin de quelque chose.

-Très bien. J'attends vos demandes alors. Si on a fini, j'aimerais parler d'un autre petit soucis de rentrée: l'équipe de restauration. Le chef est parti l'année dernière, j'en ai deux sous le coude, il faut qu'on choisisse. Alors ce midi, dégustation pour tout le monde. On va comparer: salade de chou rouge, tournedos, riz, fromage et tarte aux pommes. Le même menu pour les deux chefs. Comme ça on choisira en toute connaissance de cause!

- Parfait, j'en ai l'eau à la bouche! *dis-je à moitié en riant.*

-Oui, forcément, si tu nous prends par les sentiments!

J'éclate de rire : une dégustation à la rentrée, bonne idée. Disons que ça remet dans le bain de façon agréable.

- Une dégustation ? Super.
Salut tout le monde.

C'est ma deuxième année ici, et je ne me rappelais pas d'une dégustation en début d'année dernière. En même temps je ne me rappelais pas qu'il y ait tant de monde à cette heure là, il n'est même pas encore 8h et j'ai l'impression que la terre entière est ici.

- Salut Sarah! Alors, ces vacances?

*Question bateau dont la réponse m'intéresse cependant. Je me sers largement dans le panier de croissants chauds. Je n'y peux rien, c'est un de mes deux pêchés alimentaires, ça et les omelettes au salami...*

- C'était génial, c'est la première vraie coupure que j'ai eu depuis que j'ai commencé à travaillé, cet été, je n'ai recu aucun coup de téléphone, tout le monde m'a laissée tranquille. Du coup, je suis parti en Australie.

C'est vrai, la CIA n'a pas appelé pour mes services, ce qu'ils n'auraient pas hésité à faire s'ils avaient eu besoin de moi. Mais visiblement, l'été a été plutôt calme ici.

- Et toi ? Tes vacances ? Ca a été ?

Je salue Sarah avant de l'écouter raconter ses vacances. Très bonne ambiance dans cette salle des profs! Ca fait plaisir. C'est pour ça aussi que ça marche aussi bien ici: tout le monde s'entend, personne ne se tire dans les pattes à tous bouts de champ. Un jour un nouveau venu a essayé de faire ami ami avec les élèves. Il snobait les autres profs qui selon lui n'étaient pas de bons profs, trop rigides, trop académiques. Autant dire qu'il n'a pas fait long feu, celui-là!

- Vacances épuisantes, en fait, mes vraies vacances vont commencer maintenant je crois! *je dis en riant* Non, honnêtement, je suis bien content d'avoir une excuse pour ne pas rester dans le Nebraska...

*Juste avant les vacances, la femme de mon frère est morte, mes collègues étant au courant, je ne le rappelle pas.*

- L'ambiance était horrible, je m'y attendais et je comprends, mais mon frère est devenu tellement dur que ça en devenait pénible... En partant, j'ai senti l'angoisse qui me quittait aussi. Et j'ai regretté d'avoir demandé à Heather de me rejoindre. C'était affreux, vraiment, c'était l'armée là dedans, je me sens vraiment coupable d'avoir laissé April et Lonnie... D'ailleurs je ne désespère pas de les faire venir à New York. Je ne sais pas quoi faire...

*Si je les prends, je les aiderai, mais je ne peux pas faire ça à mon frère, ça détruirait encore un peu plus sa vie... Sans eux, il risque de sombrer...*

Je hoche la tête:

-C'est vrai que la mort de sa femme a du le secouer... Ca doit être très dur. Mais c'est vrai que pour les enfants, c'est doublement dur: dur d'avoir perdu leur mère et dur de voir leur père comme ça... Et Heather, comment elle l'a pris? Elle a survécu, là-bas? Ton frère s'est montré un peu accueillant?

- Mon frère a été infecte. Avec tout le monde d'ailleurs! Heather a essayé de rester zen, pour les enfants. Elle a évité mon frère le plus possible, et au fond, à part au moment des repas, c'était plutôt correct. Mais les repas étaient des vrais moments de torture. Souvent, Heather et moi on cuisinait quelque chose de particulier, histoire de créer une ambiance plus cool... Mais rien ne fonctionnait! Dis toi bien, on a été jusqu'à apprendre à cuisiner chinois pour faire renter un peu d'air dans la maison... Heather et April avaient passé des heures à hacher menu un tas de trucs pour faire des raviolis pendant que Lonnie et moi on s'exténuait à préparer le riz cantonnais et le porc au caramel et tu sais ce qu'a dit mon frère devant tout ça? Qu'il préférait aller se payer un steak chez Doc Magoo's, le bouiboui pour flics du coin... Autant dire qu'après ça, on n'avait plus tellement faim...

-Je vois... Il pourrait faire un effort tout de même... On a le droit d'être malheureux mais pas de le faire payer aux autres de cette façon. Vous n'y êtes pour rien. Et il ferait bien de penser à ses enfants: eux aussi ils ont perdu quelqu'un de très proche. Et à la limite, c'est bien plus grave et traumatisant pour eux. Ton frère ferait bien de s'en souvenir. Mais j'imagine que lui dire ça, ce n'est pas vraiment dans vos projets à court terme, si?

- Pas vraiment non... En ce moment, honnêtement, on se demande si on ne va pas essayer de récupérer les enfants. Si possible sans recours à la justice... C'en est arrivé à un point où c'est devenu impossible de se boucher les yeux plus longtemps... ça n'ira pas mieux, pas avant un bon moment. Et il faut un peu de stabilité à Lonnie et April. Sinon, c'est inévitable, ils vont commencer à faire des bêtises et on ne pourra plus rien faire... Mais c'est délicat évidemment. Ce qu'on aimerait, c'est que mon frère se rende compte qu'il n'est pas capable de s'occuper correctement de ses enfants, et qu'il accepte notre aide. Mais pour tout dire, je n'y crois pas vraiment...

-Et si tout marche comme tu veux, c'est toi qui va les récupérer? Ils ont quel âge?

Ca va être compliqué, cette histoire. Des ados, même sympas, ça reste des ados! Et j'en ai l'expérience à la maison. Lola est adorable mais ça n'empêche pas les crises!